Journal Fou

Journal Fou

Camera de Jacques BELLEZIT

Camera
Les glapissements terribles du fou histrionique
Résonnent dans la chambre d’une pâleur d’albâtre
Écoutés un instant par l hirsute psychiatre
Auditeur surmené  des systèmes limbiques

Torquemadas satyres, tristes Savonaroles
Qui s’extasient ,s ébattent avant d’être shootés
Par les seringues en dol oh terribles lethés
Qui instillent  l’apathie dans les oligopoles

Que faire sur ce théâtre et cette scène de coton
Entourés des Filerins, des petits Macrotons
Qui ne cherchent à comprendre l’histoire du delirium

Qui ne veulent disséquer les parties du corium
Honte et honte ! quel crime de nier la passion
Pour l’analyse plongée des folles expressions

 

Bipolaire, Psychologue, Artiste…

Bipolaire, Psychologue, Artiste…

Bipolaire, Psychologue, Artiste…

Zoom sur une personnalité atypique !

 

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Julie caractérise la bipolarité par la survenue de perturbations cycliques de l’humeur, sous forme d’accès « ma- niaque », une phase d’excitation, d’accélération de la pensée, de l’éveil des sens… ou sous forme d’accès « mélancolique » c’est à dire de dépression, de perte de goût à la vie, de dépréciation de soi, de dévalorisation… Tandis qu’un état « nor- mal » une phase stable apparaît dans l’intervalle de ces accès. Une pathologie peu connue encore aux yeux du grand public, qui parfois fait peur.

La bipolarité a été reconnue chez de nombreuses personnalités écrivains, peintres, acteurs de cinéma, musiciens, célébrités politiques, tels que Victor Hugo, Emile Zola, Stendhal, Guy de Maupassant, Charles Baudelaire, Van Gogh, Claude Monet, Toulouse Lautrec, Ernest Hemingway, Marylin Monroe, Sting, Winston Churchill, Napoléon, et tant d’autres. Julie œuvre elle-même dans la sculpture et d’autres réalisations artistiques. Nous avons cherché à identifier une possible relation entre la bipolarité et l’art.

Enfin, elle est psychologue, nous avons trouvé pertinent de l’interviewer sur son double rôle de patient bipolaire et

de soignant. Julie nous raconte avec pudeur et sincérité.

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« Bain de Soleil » Bronze                                                            « La Sieste » Bronze

La bipolarité : maladie ou mode de fonctionnement ?

 « Je pense que la bipolarité est une maladie à part entière, du fait de ses facteurs héréditaires, mais que des facteurs extérieurs comme un deuil, un licenciement, une émotion forte, un changement de saison, peuvent favoriser son apparition. Les bipolaires sont connus par une hypersensibilité et une vulnérabilité affective ».

« Cette sensibilité pour ma part, sans nier une souffrance énorme, notamment dans les périodes de dépression, peut s’accompagner d’une évolution positive au travers de la renaissance du désir, projets, créativité, plus grande récep- tivité au monde extérieur, resocialisation… On peut parler alors d’un mode de fonctionnement quand l’identité créatrice de la personne prend place ».

Ta profession de psychologue t’a-t-elle aidé à mieux identifier, diagnostiquer la bipolarité ?

« Lorsque j’étais étudiante en psychologie, on parlait de psychose « Maniaco-dépressive ». Je me reconnaissais alors dans une structure de type névrotique, le terme psychose m’effrayait. Pourtant des liens entre bipolarité et psychose existent dans la mesure où un délire peut surgir lors de la phase maniaque, ce qui complique considérablement le diagnos- tic qui peut mettre plus de dix ans à être établi alors que la pathologie se déclare généralement vers l’adolescence. »
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« Le zoom porté sur certaines périodes de ma vie, leur réactivation affective, leur analyse, leur compréhension m’ont également dérangée pour mieux me façonner. Bien qu’étant psy-clinicienne de formation, je ne suis pas pour une psychanalyse à proprement parler mais plutôt pour la dynamique qu’offre la thérapie en face à face. En effet comment se découvrir soi sans passer par l’autre ? »

« Sommeil Vert » Bronze

 

Comment vit-on cette double personnalité : Psychologue et patient à la fois ?

 

« Ça prend du temps… Lors de ma première hospitalisation à 27 ans, un jeune psychiatre est rentré dans ma chambre ; il s’est avéré que j’avais fait un stage en psychiatrie avec lui… Imaginez la situation ! Puis le temps a passé ponctué de discussions et de rencontres et cette double identité est devenue « un plus ». Je ne me considère pas non plus comme malade d’un côté et psychologue de l’autre, mais plutôt comme un tout, une entité avec une singularité qui m’est propre et dans laquelle je me reconnais. Vivre la maladie et comprendre ses aspects me permettent de mieux aider les autres. Loin d’être dans la neutralité bienveillante du professionnel, je suis dans le respect et le partage de l’autre. »

 

 

 

Certains médecins comparent cette pathologie a un cancer. Peut-on guérir de la bipolarité ?

« Je ne pense pas, mais on peut la soigner par l’observance thérapeutique. Respecter le traitement psychiatrique, adopter une bonne hygiène de vie (sommeil, alimentation, marche ou sports…). Enfin accompagner cette observance par d’autres approches thérapeutiques, comme la psychothérapie analytique, et ou comportementale (travail sur l’affirmation de soi, sur la résolution de problèmes), Yoga, méditation de pleine conscience, psychoéducation. Cela contribue à la stabi- lisation de l’humeur et permet de mieux prévenir des rechutes. »

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« Hammam » Résine

 

Vivre au quotidien avec la bipolarité ; est-ce possible ?

 

« C’est une question importante que soulève la problématique du bipolaire. En traversant tantôt des phases dé- pressives, avec un état de fragilité énorme, des idées pessimistes et une dévalorisation de soi extrême, tantôt des phases maniaques, où il y a une exaltation de l’humeur, dans laquelle la personnalité change du tout au tout, en s’accompagnant d’un optimisme et d’une confiance en soi hors pairs, le bipolaire a du mal à se retrouver et à se sentir unifié ! Où se trouve sa véritable personnalité dans tout cela ? »

« Pour moi, vivre au quotidien avec la bipolarité c’est construire sans cesse sa personnalité, c’est bâtir une unifi- cation et une fortification du moi pendant les phases d’intervalles « libres » de la maladie et en dehors des accès aigus de celle-ci.

Comment vivre dans une société dite « d’excellence » ou la perfection est de ri-

gueur et la fragilité humaine n’a pas sa place ?

 « Je ne pense pas que la perfection existe véritablement ; si elle est un moteur, il y a souvent un décalage, parfois un gouffre même, entre ce que l’on aimerait être et ce que l’on est vraiment… Ce décalage peut aller de la dévalorisation de soi à une véritable décompensation psychique : dépression, bouffée délirante aigue, burn-out, sont des avatars de notre société moderne. »

« En confondant « l’avoir » et « l’être », en le substituant l’un à l’autre, cette société oublie une chose fondamen- tale : la fragilité de l’être humain. On peut avoir des capacités, des diplômes, de l’argent, nous ne sommes pas tout puis- sant. Loin d’être des robots, nous avançons, certes avec nos compétences, mais aussi avec notre histoire personnelle et nos failles qui la jalonnent. Les malades, handicapés, les personnes isolées sont des écueils de notre société ! »

« Toutefois, il arrive étrangement qu’en dépit de leurs souffrances et de leur parcours chaotique, les rescapés rencontrent au détour d’un virage le véritable bonheur… En cela, et pour toutes ces raisons, cette société dite d’excellence et dans laquelle nous vivons pose bien des questions sur sa finalité et quant à l’accès au bonheur ».

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« Libération » Bronze

Comment vivre sa bipolarité tout au long de sa vie en tant que femme ?

 « Ce n’est pas facile de cheminer avec sa bizarrerie et son imaginaire hors norme… Il me faut revenir plus en arrière pour répondre à cette question. Petite, je ne jouais pas volontiers avec les autres enfants, préférant rester avec des adultes à les écouter, ou pratiquer le coloriage, les perles, la pâte à modeler, le dessin ou encore la danse. J’aimais aussi m’évader dans une « autre époque » en me déguisant pour jouer à « Autrefois ». Adolescente, j’ai commencé à me diffé- rencier des autres femmes ; plus d’impulsivité, multiplication des relations amicales et amoureuses, passage à l’acte voire mise en danger. Je ressemblais alors plus à un garçon manqué ».

« Vivre avec ma bipolarité en tant que femme a pris un autre sens en donnant naissance à Augustin, mon fils, au- jourd’hui âgé de 22 ans. J’ai alors arrêté la pratique de la psychologie pour me consacrer à lui, pour l’éduquer et l’aider à s’envoler du mieux possible. Peut être alors que mon imagination de bipolaire m’a aidé dans mon éducation. J’ai essayé de l’initier à la musique, au dessin (dans lequel il avait une production hors norme), je lui parlais de psychologie, invitais volontiers ses amis, la porte de la maison a toujours été ouverte. Par ailleurs mon ex-mari s’est toujours avéré un excellent père. Artiste et notaire, sa stabilité était structurante pour Augustin comme pour moi. J’ai également été très entourée par mes parents ».

« Pour toutes ces raisons et malgré mes nombreuses hospitalisations, Augustin s’est développé normalement, bien qu’il ait été diagnostiqué « précoce » à l’âge de 4 ans, mais pas bipolaire ! Soulagement ! Il est actuellement monteur dans le cinéma, enchaîne courts-métrages et chansons. S’il y a bien une chose dont je suis fière c’est bien de lui ! Comme quoi maternité et bipolarité ne sont pas incompatible à condition d’être bien accompagnée. »

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« Le Salut de l’Ange » Bronze

 

 

Peux-tu nous donner ta vision sur la maturité psychologique et sur l’acceptation

de la maladie ?

 

« La maturité psychologique consiste pour moi dans le fait d’accepter que la maladie nous a transformé, que l’on ne reviendra plus comme avant. Il faut essayer de penser le handicap en termes de résilience, de remaniement et de re- construction personnelle. »

« Dans « Parler d’amour au bord du gouffre » Boris Cyrulnik nous dit que « la partie morte du handicap est sou- mise à des impératifs médicaux de soin alors que la partie vivante n’est plus agonisante mais qu’elle surinvestie des capa- cités enfouies par la maladie. »

« Quant à l’acceptation de la maladie, celle-ci transforme la personne souffrante en un nouvel être. Le retour à la vie se fait en secret avec l’étrange plaisir que donne le sentiment de sursis. Être souffrant est parfois nécessaire pour comprendre, c’est le temps qu’il faut pour nous faire naître au sens. »

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« Sérénité » Bronze

Toi-même tu es une artiste sculpteur passionnée. En quoi la bipolarité éveille

t’elle tes sens à ce point ?

 « S’il existe un lien entre ma bipolarité et ma créativité, c’est peut-être au niveau de la sensibilité et de l’hyper- sensorialité qui l’accompagne. Petite, mes parents m’avaient laissé peindre sur un mur de ma chambre un immense arc en ciel qui surplombait une mer dans laquelle une sirène homme et une sirène femme se tenaient la main ; L’imagination était déjà en moi ! Les sirènes se retrouvent mystérieusement aujourd’hui dans mes dernières créations en sculpture… Un hasard ? Le dessin, la peinture, la musique, le français étaient mes matières préférées à l’école et j’excellais dans leur domaine. »

« Beaucoup plus tard, en 1998 je me lance néophyte et sans aucune référence artistique dans la sculpture. Je retrouve alors dans le lissage de la terre avec mes doigts des sensations enfouies. Eveil de ma peau, émergence de la sensualité, vibrations intérieures. Je suis projetée dans un monde de douceur et de volupté. Après l’imaginaire prend le pas : animer une feuille blanche, un bloc de terre inerte, y mettre de la vie, du mouvement, transformer le néant en créa- tion, la réalité en imagination. C’est vrai, comme tu l’as souligné plus haut, certains bipolaires témoignent d’un génie artistique ! »

Merci Julie pour ce témoignage livré en toute transparence ! Ces explications sur la bipolarité nous ont permis de démystifier en partie la pathologie. Actuellement, Julie s’investie dans une association caritative « Bipolarité France » que nous pouvons retrouver sur le site www.bipolaritefrance.com . Elle accompagne d’autres patients bipolaires. Elle agit en tant que patient responsable, acteur de sa pathologie et souhaite capitaliser sur les atouts de la maladie. Permettre au plus grand nombre de trouver une lueur d’espoir, de vivre malgré tout, en société, en couple, en famille, entre amis.

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