Chapitre IV : Le couple

La nouvelle de la liaison entre Alexandre et Bahia ébranla tout leur petit monde. A commencer par Cécile qui, comprenant qu’elle perdait Alexandre en éprouva du ressentiment envers son amie. Gérald et Brice, eux, vinrent féliciter Alexandre de cet exploit inédit parmi la bande. Les autres amis de Bahia furent surpris, comme Bahia ne s’était ouverte a personne concernant l’affection secrète qu’elle éprouvait pour Alexandre. D’autres pensèrent que Bahia la pure avait bien changé et que c’était honte que de s’être acoquinée avec un tel vaurien. Mais celui qui en éprouva la blessure la plus piquante fut sans doutes Nicolas, le propre frère d’Alexandre, vexé d’avoir été ainsi doublement trahi, et par son amie et par son frère. Et du jour au lendemain il devint insupportable avec le couple. D’abord parce que Nicolas et Bahia, qui avaient ensemble abandonnés depuis peu la fac pour se consacrer au théâtre, s’étaient dégottés le même petit boulot, et que c’était là une occasion quotidienne pour Nicolas d’harceler et de maltraiter verbalement Bahia qu’il considérait comme déchue de son piédestal. Ensuite, parce qu’il lui semblait aussi que son petit frère méritait son courroux, il ne voulait plus lui adresser la parole ni lui faire partager ses plans de soirée. Bref, toute leur troupe d’amis était partagée quant à la conduite à tenir à leur égard. Bahia qui était vive le savait bien : c’était la fin d’une époque, le crépuscule de la bande des théâtreux, une ère nouvelle s’annonçait.

Et cette ère débuta pour le couple sous les bons hospices du sexe a gogo. Alexandre baisait Bahia tant qu’il pouvait. Plusieurs fois par jour quand elle était la. Toute la nuit durant aussi. Il ne se lassait jamais de la pénétrer et mettait du cœur à l’ouvrage. Toutes les pièces de leur appartement y été passées : pas un seul endroit où ils n’avaient joui. Bahia criait sans vergogne et adorait leurs jeux sexuels, lui ne se lassait jamais de son corps, son sexe : il la fourrageait avec passion. Tout paraissait merveilleux, chaque élan sexuel égalait ou surpassait la précédente étreinte. Toutes escarmouches entre eux se soldaient invariablement dans une effusion de sexe. Ils passaient des week-ends entiers au lit, négligeant leurs amis. Rien ne comptait plus pour chacun que le moment où ils pourraient faire jouir l’autre. Ca tapait sur les nerfs de Nicolas d’entendre gémir à travers la cloison, le père, lui, il rigolait, eux, ils suaient a grosses gouttes et leurs joutes sexuelles étaient épiques tant ils s’entendaient à merveille. Bahia la prude avait été pervertie aussi : elle ne déniait pas à l’occasion tirer sur un joint pour accroître son plaisir sexuel. Un jour où ils avaient rencontré dans la rue un dealer qui les fit tous deux fumer à l’œil, fut particulièrement marquant à leurs yeux. Lorsqu’ils rentrèrent, Bahia qui n’avait pas l’habitude de fumer une herbe aussi forte, délirait. « J’ai les bras qui s’allongent », croyait-elle. Et de lancer des « prends moi, déchire moi, coupe moi la tête ! », pendant qu’il la fourrageait. Délirant certainement lui aussi, Alexandre crut faire l’amour à un être de sable dont la fente ne cessait de couler en une eau fraîche sur sa bite émoustillée. Du sable, il croyait tenir entre ses bras, du sable ! Mais Bahia était aussi océan, lac, rivière, tempête, être de lumière, montagne et marécage… et la sensation inoubliable dura jusqu’au petit matin…

Par ailleurs, alors qu’Alexandre vivait dans une certaine insouciance des lendemains, Bahia, elle, plus pragmatique pensait à leur avenir. Plusieurs fois, elle avait tenté de motiver Alexandre pour qu’il aille chercher un travail. Mais lui ne voulait rien faire qu’écrire et leurs modestes conditions de vie lui convenait. Il n’y trouvait rien à redire. Bahia avait beau crier, rien n’y faisait, alors elle attribuait cela à la jeunesse d’Alexandre, à un certain manque de maturité et remettait son projet à plus tard. Pour le moment, après tout, rien ne pressait : ils avaient un toit et si elle rêvait de les voir vivre seulement tous les deux, dans un « chez soi » qui serait leur nid douillet, elle prenait son mal en patience. D’autant qu’elle avait quittée son boulot ne supportant plus les agressions de Nicolas avec qui elle voulait ne plus rien avoir à faire. Depuis lors, elle n’avait trouvé qu’un job, certes bien payé, mais s’agissait-il de travailler seulement le mercredi, dans une m.j.c dont, avec son bagout, elle avait convaincu la directrice de l’engager pour enseigner le théâtre aux enfants. Or, ce qu’elle gagnait était insuffisant pour subvenir au paiement d’un loyer.

Les mois passèrent. La plus part du temps, Alexandre et Bahia faisaient l’amour toute la journée. Comme l’avait prévu Bahia, le groupe des théâtreux l’avait mise de côté et ne lui restaient que ses amies de toujours : Catherine, Stéphanie qu’on voyait peu, et Cécile qui avait fini par lui pardonner estimant qu’elle n’était pas si bien que cela avec Alexandre. Sinon, la réserve d’amis de Bahia, qui était très sociable, semblait inépuisable et elle ramenait toujours des têtes nouvelles à la maison. Entre Alexandre et Nicolas la fraternité avait finie par reprendre le dessus. Même si Alexandre déplorait la rupture éternelle qui semblait s’être instaurée entre son amie et son frère, il était bien content, au fond de lui, de n’avoir pas eu à choisir entre l’un ou l’autre. Eric quant à lui venait toujours leur rendre de joyeuses visites, amenant parfois l’un ou l’autre de ses amis afin de faire se rapprocher les cercles de ses connaissances. Il y eut aussi Franck qui vint souvent durant cette période. Tous fumaient et rigolaient de joie à s’en décrocher la mâchoire. Le père d’Alexandre, lui, vieillissait dans son coin, occupé par quelques mots croisés savants et son tiercé qu’il ne manquait pas de valider chaque midi pour sa sortie quotidienne. Après des centaines de c.v envoyés en vain, il n’avait pas renoncé au travail, c’est le travail qui semblait avoir renoncé à lui. Il espérait tout de même. Même si c’était mollement. Même s’il comptait plus sur une nouvelle fortune acquise au p.m.u qu’à la sueur de son front d’ingénieur informaticien. Quant à ses enfants : il s’avouait définitivement dépassé. Il eut fallu que sa femme tant aimée soit toujours là, elle qui savait y faire pour instaurer un semblant d’autorité. Mais c’était du passé tout ça. Il n’avait plus que ses deux garçons maintenant. Et tout de même ça lui faisait plaisir de constater leur vigueur, leurs aptitudes avec les femmes. Cela le renvoyait à sa propre jeunesse. Car plus que tout, le père d’Alexandre chérissait la jeunesse. Et il pensait que rien ne devait en entraver les manifestations bruyantes de ses élans. Il appréciait bien Bahia aussi, et la tenait pour la fille qu’il n’avait pas eu, déplorant seulement qu’elle ne fut pas la femme d’intérieur qu’on pu espérer qu’elle soit. Cependant, son fils semblait l’aimer et c’était bien là l’essentiel à ses yeux. D’ailleurs peut-être que c’était elle qui lui procurerait un jour le bonheur d’avoir des petits enfants, se disait-il à son sujet. Tout n’allait donc pas si mal. Et même si les voisins se plaignaient souvent de leurs veillées nocturnes trop bruyantes. Même si les flics connaissaient la famille pour l’avoir déjà verbalisée. Même si le père d’Alexandre ne payait plus les charges à la copropriété depuis des mois, sans l’avoir dit a personne. Toute sa petite famille était somme toute heureuse.

Une des seules fois où le père d’Alexandre dut donner de la voix fut un de ces mardi gras ou les invités de la fête menacèrent, par jeu, de brûler la moquette, casser les meubles, toujours par jeu, et de faire passer les canapés par la fenêtre encore par jeu. Ce soir là, en rentrant sur les coups de dix heures, le père d’Alexandre découvrit une soixantaine d’invités déguisés, éparpillés dans toutes les pièces de l’appartement, y compris sa chambre où on avait installé le garde manteaux, et d’où il osa a peine faire sortir Zénéto qui était entrain d’entreprendre une donzelle fraîchement cueillie par lui, l’homme des cavernes, tel qu’ainsi était son accoutrement. Donzelle déguisée en libellule, que le père d’Alexandre trouva à moitié débraillée, à moitié saoule, et à moitié violée. L’appartement grouillait aussi de corsaires entre les mains desquels circulaient pléthore de bières. Le saladier de sangria, sans lequel on ne peut pas saouler les filles à moindre frais et sans en avoir l’air, était géré par Franck, ridiculement déguisé en abeille : deux raquettes en bois tenues par de la corde faisant office d’aile. Nicolas, son père le découvrit dans sa tenue de prince oriental, son sabre flottant sur le flan du sarouel. Quant à Alexandre et Bahia : l’un avait tenu à imiter son ami Zénéto avec qui il s’était déguisé de concert, en homme de Croc-Magnon donc. L’autre campait la classique infirmière qu’on retourne sur un brancard dans une pièce retirée, entre deux urgences, histoire de … Bref, tout le monde était venu. Brice, le pince sans rire en clochard. Eric en rasta bien sûr. Gérald en un énième corsaire pirate. Mathieu en pompier sauveur admiré de ces dames. Valentine, une ex d’Alexandre dont il avait été longtemps amoureux au point de désirer vivre avec elle, en pute, et ça lui allait plutôt bien trouvait-il. Caroline en princesse. Catherine et son frère en cow-boy. Cécile dans un costume de mousquetaire spécialement loué pour l’occasion. Isabelle , leur fidèle voisine qui leur apportait des petits plats quand le frigo était vide, et qui servait de confidente à Bahia en cas de dispute – en médecin, blouse blanche sur bas nylon sexy, et stéthoscope emprunté à son père, pendu au cou. Shirley l’ami anglaise de Zénéto à qui il faisait découvrir Paris aussi souvent qu’il découvrait son sexe – déguisée en écolière. Et tant d’autres amis dont quelques copains voyous d’Alexandre, seuls à ne pas être déguisés autrement qu’avec leurs casquettes et leurs jeans bouffants, ou leurs survêtements Tachini, étaient tout guilleret ou gêné d’être au milieu d’autant de tête de lard… Tandis que le père d’Alexandre, après les bonjours de rigueur à chacun des amis de ses fils qu’il avait pu reconnaître, avait réussi à réquisitionner sa chambre pour lui seul, après son esclandre ; et, alors qu’il était dérangé continuellement sur les coups de trois heures du matin par ceux des invités qui voulaient récupérer leurs effets, il dut à sa vigilance de reconnaître le bruit, dehors, de sa voiture qu’on tentait de demarrer comme pour la lui voler. Et d’un bond de se précipiter dehors pour découvrir, comble d’une soirée déjà mouvementée, que son fils Alexandre qui n’a pas son permis a décide, grand seigneur bourré qu’il est, de raccompagner Zénéto, sa conquête du moment, et Shirley, profitant de ce que Shirley et Zénéto savent conduire, pour apprendre lui-même à conduire lorsqu’il reviendrait seul, après les avoir déposés. Et d’un coup de sang du père qui une nouvelle fois élève la voix, cette fois ci pour sermonner son fils, puis, pas rancunier et toujours sympa pour autant, papa qui décide de raccompagner lui-même les jeunes amis de la famille…

Il est frappant de constater combien le centre GEORGE POMPIDOU, lieu d’expositions contemporaines et mémoire de ce que fut l’art à partir de 1903, peut nous renseigner sur l’ambivalence de l’art, capable dans le même temps d’être un lieu de perdition pour la beauté, le repoussant ou l’intriguant rivage de la laideur, et de demeurer par l’une ou l’autre de ses catégorie artistique l’étais du culte du beau.

Point besoin d’être un expert pour deviner à l’aulne des collections de tableaux de POMPIDOU, de 1903 à 1960 que la peinture, après avoir subi comme le désaveux de sa capacité à sublimer la nature, sous la concurrence de la photographie, bien plus précise et exacte en restitution à contrario de toutes les expériences plastiques dont la peinture est l’objet, durant cette période:de MONET à KANDINSKY, du pointillisme à l’absence de sujet pour l’abstrait – que si la peinture reste la discipline qui impose le rythme de ses fulgurances aux autres arts, son règne était compté; tandis qu’elle avait inauguré une tendance lourde de l’art contemporain : celle qui consiste à ne s’intéresser qu’à la laideur, au difforme, au monstrueux.

La raison en est-elle que l’art n’ayant plus de fonction sociale, ni machine à faire l’éloge de la belle société, ni relayeur des fondement esthétiques de la société occidentale, qu’à l’instar de sa vacuité il s’est mis également à recenser autant les diverses manières de ne rien proposer sinon des pitreries d’artistes, que d’explorer les diverses facettes de l’anomalie tant physique que conceptuelle – toujours est-il que cette recherche a fini par laminer le statut de locomotive des arts de la peinture. Elle qui de 1903 à 1960 menait toujours le bal, bal des horreurs initié par elle qui finit par ne plus compter après cette date , tandis que semble ne subsister que la laideur, pas même le souffle du bal. Pour la période d’après 1960 , jusqu’à nos jours les collections de Pompidou sont parlantes à cet égard : très peu de peintures, surtout des sculpture-installations où l’étrange prédomine sur le beau.

La collection recense des installations de l’an 2000, mais il semble que tout soit annoncé depuis la décennie 1990 : la peinture est morte, quand ne comptent plus que ceux qui sauront se rendre célèbre parmi les artistes pour leurs surenchères dans l’empire du laid, du kitch, de l’art jetable, éphémère et revendiqué comme tel, sous l’hospice de l’art conceptuel, ou quand l’intention artistique prime sur l’esthétique.

L’écueil pour le collectionneur étant de se retrouvé fourni d’une œuvre dont la cote est éphémère ou artificielle, comme il semble que ce soit le cas de DAMIEN HIRST célèbre pour ses animaux plongés dans du formol, dont la décote vient d’atteindre 60%, il y a peu. L ‘étrangeté du phénomène étant de voir surgir des artistes improvisés artiste du jour au lendemain, millionnaire du jour au lendemain, comme on le constate avec le courant du Street art, si tant est qu’il s’agisse d’un courant, et pas d’une énième réappropriation des techniques commerciales et esthétique du Pop art, ou plus avant des fameux Surréalistes qui décidément auront révolutionnés l’art au point de le dissoudre ! Reste cette expérience totale dont l’art est l’instigateur pour ses croyants comme pour ses artistes pourvoyeurs. Ceci ne nous renseignant pas sur les raisons pour lesquelles l’art contemporain des salons comme des musées voue son âme au détail des laideurs de notre société.

Il semble que l’art de la laideur ou de l’étrange ait ses époques. L’art des grotte préhistorique recense en même temps qu’il semble vouer un culte à ce monde plein de danger qui environne l’univers du chasseur peuplé d’animaux et d’esprits à respecter. L’art du masque dans les sociétés traditionnelles permet d’appréhender concrètement l’invisible que sent l’homme près de lui, dont l’art lui communique la part monstrueuse. Avec l’ère des grandes explorations maritimes, l’art occidentale profane prospère à montrer les faces curieuses des sauvages, préfigurant les catalogues de monstruosités, et les spectacles de cirques auxquels sont conviés jusqu’aux indiens d’Amérique des années cinquante. L’art contemporain n’est donc pas un exemple unique. Il y a que cette rupture avec les supports nobles, comme la toile en peinture, est trop récente pour ne pas apparaitre telle une déchirure de notre âme.

Si le goût du beau semble avoir fuit les préoccupations des artistes d’installation, comme il a moins préoccupé les peintres du XXème siècle, tous les rêves semblent s’être concentrés dans le seul septième art et la musique. Le cinéma compte à son actif plus de rêves de beauté que nulle part ailleurs. l’image y est reine et si elle peut cohabiter avec la démonstration de violence extrême, cela peut être pour mieux ébranler l’âme et participer à son édification et son élévation. La musique accompagne toujours nos rêves d’éternité et le culte des acteurs alimente les rêves de gloires, même s’il les appauvrit en les réduisant au seul désir de célébrité.

L’art est donc toujours la fabrique des grands hommes, le moyen par lequel un être sent qu’il peut être plus grand que sa solitude. Et tapis dans l’ombre d’aujourd’hui, j’en suis convaincu, les artistes de la lumière de demain sauront trouver la voie d’un art qui a assimilé les affres d’une recherche contemporaine qui fouille, bricole, cherche avec les chercheurs, quand elle ne fricote pas avec les techniques industrielles de production – pour s’installer dans un palais de règles esthétiques qui feront sens avec l’inspiration collective future. Palais dont les glaces se briseront à la génération suivante d’artistes, sous l’impulsion de nouvelles découvertes scientifiques ou impulsé par une autre révolution technologique. L’art, les arts ne seront que mineurs, cependant, s’ils renoncent à l’invisible.

Chapitre III : L’amour

Le quotidien de cette famille recomposée qu’ils formaient s’avéra on ne peut plus excitant pour Bahia. Elle s’était vite accoutumée aux habitudes de la maison. Un intérieur peu rangé, des vaisselles interminables, des affaires partout et des enfants rois qui organisent des fêtes aussi souvent que possible, au point que Bahia avait été un peu dévergondée. Eric qui fréquentait le trio et dont on ne savait plus s’il était l’ami de Nicolas ou d’Alexandre, venait aussi souvent que possible divertir les neurones de ses amis en apportant de la marijuana, trop heureux de voir une famille ou l’on pouvait crier et rire fort jusqu’à tard le soir sans que le père dise rien, ni ne vienne jamais troubler l’intimité de ses enfants. Aussi, Eric prenait la guitare de Nicolas et y allait de sa chanson gaiement. Bien sur, c’est lui qui roulait les joints, et, maître de cérémonie qu’il était, envoyait sur la Lune les neurones de ses compères. Eric, Alexandre l’appelait le « rasta blanc », tant il aimait oublier sa vie de commercial ordinaire, pour le soir venu s’envoyer un joint dans la tête sans lequel sa timidité maladive n’eut pas trouvée à être guérie, « rasta », aussi, parce que s’il était né jamaïcain, Eric eut été plus heureux et d’une apparence en accord avec ses combinaisons intérieures. Il y avait encore Gerald et la bande du théâtre qui, maintenant, débarquaient souvent à la maison et Brice, et Mathieu, et Valentine, et Isabelle la voisine, et Zénéto, et Caroline et Catherine et Cécile forcement, ainsi que les autres amis de Bahia (qui en avait beaucoup) ,lesquels débarquaient à la maison, comme attirés par son aura. Et chaque nuit c’était la même chose. Dans le secret de leur chambre, Alexandre se rapprochait ostensiblement plus de Bahia.

La maisonnée était joyeuse dans l’ensemble et c’était dû à l’effervescence de la jeunesse de ses occupants. Un soir, pourtant, l’ambiance se brisa. Tandis que tout le monde regardait la télévision, on sonna. C’étaient les parents de Bahia qu’elle n’avait pas contactés depuis un mois, qui débarquaient pour faire un esclandre. Le père surtout était le plus véhément, et dans un français imparfait, les pieds solidement arrimés au milieu du salon, il commença à maudire la nouvelle famille de Bahia. C’était une honte pour une jeune fille de vivre au milieu d’hommes étrangers. Et est-ce qu’elle comptait se marier avec l’un d’entre nous ? Si oui, lequel ? Et ou est-ce qu’elle dormait ? C’est « haram » (contre la religion) qu’il hurlait le père : un vrai taudis ! Sa mère disait ,en arabe, à Bahia qu’elle était une prostituée ! , un déchet ! , le déshonneur de la famille ! Son père criait que ça ne se passerait pas comme ça ! Les blancs ne pervertiraient pas sa fille ! Il reviendrait les mettre au pas avec son fusil, s’il le fallait. Et il voulait leur casser la gueule et à sa fille pour commencer, laquelle il agrippa par les cheveux pour la traîner jusqu’à la sortie. Ce contre quoi Alexandre, le premier, s’interposa, suivi de Nicolas qui s’était saisi d’une batte de base ball , le bras tout de suite arrêté par son père, lequel d’humeur pacifique voulu calmer la situation qui devenait de plus en plus instable. Bahia hurlait. Alexandre avait empoigné le père. Nicolas voulait frapper tandis que son père tentait maintenant de calmer ses fils. Il parla à la mère de Bahia, alors que son mari avait lâché sa fille et se remettait de ses émotions, et comme la mère semblait encore la plus ouverte au dialogue. D’abord, il fallait demander son avis à Bahia. Elle était majeure et ses parents ne pouvaient plus l’obliger à les suivre comme ça, sans son consentement.  Bahia avait été éduquée dans des écoles laïques et authentiquement bourgeoises. Elle suivait peu les préceptes de la religion, sinon faisant le ramadan. Or, il était clair qu’elle avait été plus imprégnée par la mentalité occidentale que traditionaliste de ses parents. Qu’elle leur échappe un jour était inéluctable, et, de fait, elle répondit qu’elle ne voulait pas les suivre. Ses parents repartirent donc sans elle, non sans que la mère et le père eurent lancé des jurons , maudissant leur fille ,en la prévenant qu’ils n’en resteraient pas la… Quand ils furent partis, Alexandre pris Bahia dans ses bras. Elle venait de s’effondrer en larmes. Cette nuit là, il en profita pour glisser une main affectueuse sur son épaule, tandis qu’à son habitude, elle lui tournait le dos. Quand sa main se posa sur son épaule, Alexandre fut parcouru par un frisson et affublé d’une érection interminable. Il se surprit peu après à oser déposer un baiser dans le cou de Bahia qui s’en émut, crut-il.

Une semaine après la visite inopinée des parents , tout s’accéléra. Ce soir là, les trois avaient été invités à dîner chez la mère de Cécile. Parmi les invités, figurait Zénéto, toujours le meilleur ami d’Alexandre. Avec lui la discussion fut des plus mouvementée. On s’y empoigna sur des sujets de littérature. Personne n’était d’accord de la même façon pour reconnaître le génie de William Burrought. La mère de Cécile le prenait pour un drogué imcompréhensible au style bâclé, et affirmait lui préférer encore cet alcoolique de Bucovski. Zénéto, lui, ne tarissait plus d’éloge sur le « festin nu », les prodiges accomplis par la Beat Génération et son influence capitale sur la génération des seventies à laquelle, pourtant, la mère appartenait. « Ca n’a rien a voir, je l’ai toujours détesté » , rétorqua la mère. Sur ce, elle remplit les verres vides de chacun du vin qu’elle avait spécialement acheté pour ses invités. Tous se mirent si bien à boire que pendant le dîner trois bouteilles de rosé avaient été sifflées. Et tous d’être saouls, même Bahia, qui pourtant ne buvait jamais, avait osé, incitée par l’ambiance, se servir deux bons verres  qui avaient suffi à son ivresse. Quant Alexandre se rendit compte que Zénéto taquinait sa copine Cécile, il en fut ravi. L’occasion était trop belle. Et de fait, Cécile se laissait charmer, sachant qu’Alexandre n’y trouverait rien à redire. D’ailleurs, au moment de partir, Cécile proposa à Zénéto de rester. Et on savait ce qui se passerait. La situation n’avait pas échappée à Bahia. Cécile allait se faire tringler toute la nuit : conclusion, Alexandre était libre. Il trépignait dans la voiture en attendant, grisé, le moment où il se déshabillerait devant Bahia.

De retour dans leur petite chambre, ce qui se produisit dépassa les espérances d’Alexandre. Une réalité impossible sembla lui ouvrir les bras. Parce qu’il était saoul et Bahia aussi, toutes résistances avaient sauté. Aucune inhibition ne l’empêcha de s’allonger nu dans le lit auprès d’elle qui n’en parue pas choquée. Et tandis que son cœur battait de plus en plus fort la chamade à mesure que ça devenait vrai qu’il l’embrassait encore et encore. Pour de bon, Bahia vaincue, se livrait à lui ! Que ses baisers étaient doux et bons ! Et la peau de Bahia lisse. Enfin il tenait sa Déesse dans ses bras. Enfin son rêve des millier de fois échafaudé prenait forme. Les tétons de Bahia avaient maintenant durci, sous l’excitation. Le sein était merveilleusement beau, et le sexe humide à souhait. Il n’en croyait pas ses yeux. Il aurait pu en rester là, déjà comblé par la providence. Non, Bahia consentait à se dévêtir de sa culotte, se livrant corps et âme. Pour être sûr de satisfaire sa Déesse, il commença alors à la lécher délicatement, enroulant bien sa langue autour de son clitoris, en une danse lancinante dont la mélodie la faisait frémir. Puis vint le moment crucial après la jouissance : il la pénétrait jusqu’à la garde, d’abord très délicatement, puis agité par des soubresauts de plus en plus intenses, que semblait goutter Bahia qui s’agrippait à ses épaules en gémissant. Leur étreinte les maintint éveillés jusqu’au petit matin. C’est vers là qu’Alexandre, épuisé nerveusement par ce qu’il venait de vivre, s’affala littéralement sur le lit, et s’endormit comme une brique. Bahia semblant reprendre ses esprits ne put trouver le sommeil. Elle aurait voulu parler avec son nouvel amant, au lieu de ça, il la laissait avec des doutes et peut-être des remords. Prise de panique, à l’idée de ce qui allait se passer par la suite, elle s’en alla prendre l’air en douce, et pour cacher les sanglots que lui inspirait la réputation sulfureuse de son nouvel amant, de qui il y avait tout à craindre…Enfin, sur les coups de six heures du matin, elle vint s’endormir près du corps ronflant d’extase d’Alexandre. Et quand ils se réveillèrent, sans s’être parlés, ils se promirent un amour éternel que vint sceller un nouvel élan sexuel.